La vision d’un précurseur
Richard Barrett, pionnier de la transformation culturelle, distingue quatre ères dans l’histoire de l’homme :
Richard Barrett précise dans son modèle les trois ères les plus récentes :
Voyons un peu si l’étymologie de ces mots confirme le modèle.
Changement
Changer vient du latin populaire cambiare, lui-même issu de cambio qui signifie échanger, fléchir, détourner. Il s’agit de remplacer quelque chose par une autre chose de même nature ou de même classe.
Héraclite d’Éphèse nous enseigne que « Rien n’est permanent, sauf le changement » et que « l’on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau du fleuve ». Le changement a une fonction d’équilibre (homéostasie). Votre rythme cardiaque s’ajuste en fonction de votre activité et vous prévoyez votre tenue en fonction de la météo.
Par contre, certains ont du mal à modifier leurs opinions et prétendent par exemple que « ce n’est pas à mon âge qu’on va me changer » ou que « c’est comme ça et pas autrement ». Ce phénomène est cognitif : la résistance au changement.
Transformation
Le mot se compose du préfixe trans qui signifie en latin aller, traverser, passer au-delà et de formatio qui signifie formation, confection, configuration. Ces mots ont pour racine commune formo, la forme. Un mot totalement équivalent nous vient du grec ancien : métamorphose.
La transformation affecte la forme et l’apparence, et conduit un système au-delà de la façon dont il est initialement conçu et formé. Lorsque le fait d’éloigner un document de vos yeux pour pouvoir le lire ne suffit plus, une transformation de votre système visuel doit être opéré sous forme d’un dispositif optique de correction : lunettes ou lentilles.
Quand le système est immatériel, comme par exemple une culture (un ensemble de valeurs), la transformation implique un dépassement qui peut aller jusqu’à la vision du monde.
Évolution
Évolution vient de latin evolutio qui est l’action de dérouler, de parcourir, de lire. Le mot a pris au début du XVIIe siècle le sens d’une transformation graduelle assez lente (voir par exemple la théorie de l’évolution de Darwin). L’antonyme d’évolution est révolution, qui se réalise dans un temps limité et sans progressivité.
Nous pouvons illustrer les différences entre changement, transformation et évolution par un diagramme représentant l’évolution de « l’état » d’un système en fonction du temps (l’échelle horizontale n’étant pas linéaire). Vous remarquerez que l’évolution est un processus incrémental, un enchaînement de transformations.
Pour résumer, le changement est une modification d’amplitude limitée, destinée à retrouver un l’équilibre.
Quand le changement s’avère infructueux, et si le constat est accepté, il faut passer à un autre niveau, par une transformation.
La généralisation de la transformation selon des cycles plus ou moins longs est la base de l’évolution.
Le changement est difficile
Une étude sur le changement réalisée en 2014 par IBM Institute for Business Value auprès de 1 400 organisations révèle que :
- 20% des répondants estiment que la conduite du changement a été couronnée de succès ;
- 87% des répondants estiment insuffisant l’effort de conduite du changement de projets critiques.
Les jolis modèles et les définitions compréhensibles de Richard Barrett n’enlèvent rien au fait que changement, transformation et à fortiori évolution semblent bien difficiles à maîtriser.
Ce schéma, inspiré des travaux du Barrett Values Centre, illustre les quatre niveaux d’alignement de toute structure humaine. Qu’un seul quadrant soit modifié et tous les alignements peuvent être remis en question ! Changer, transformer, ou évoluer induit une complexité systémique d’autant que les cadrans relatifs à l’individuel sont bien entendu spécifiques à chaque membre du collectif.
John KOTTER, considéré comme un auteur majeur sur le sujet de la conduite du changement, illustre cette difficulté dans son ouvrage alerte sur la banquise !
Peut-être faut-il s’interroger sur le fait que des approches qui font référence (dont celle de John Kotter) continuent de générer une floraison de recherches, et de livres alors qu’elles génèrent manifestement des taux d’échecs significatifs.
Peut-être que modifier une structure humaine par un changement ou une transformation (laissons de côté dans un premier temps l’évolution dont la nature fera de toute façon son affaire) n’est pas aussi simple qu’un processus en huit étapes. A moins que ce processus n’ait pas été efficace parce qu’il a été insuffisamment appliqué ?
Peut-être que ce qui se passe dans les structures humaines est le reflet homothétique de ce qui se passe dans le cerveau de chaque homme et que le sujet doit être abordé d’une façon différente. Ou pas.
Nous y reviendrons bientôt.
La maîtrise ne vient pas du contrôle mais de l’acceptation.
Quand l’esprit ne résiste plus, qu’il ne fuit ni ne blâme ce qui est, mais se contente d’être conscient avec passivité, il s’aperçoit que, dans cette passivité même, vient une transformation.
Jiddu KRISHNAMURTI